jeudi 1 octobre 2009

Une première sortie



Dimanche matin, 4h30. Un réveil plutôt abrupte, à l'image d'une sortie assez chaotique. Par chance, Elyse, dans toute sa solidarité, a réussi à s'extirper de son lit afin de me souhaiter bonne chance. À 5 heures, Natalia (ma partenaire pour cette sortie) et moi quittons la Casa en taxi pour la station d'autobus. Après environ quatre heures de route et un transfert de bus, nous arrivons finalement à la communauté. Construite à flanc de colline, ce village est constitué d'une centaine de petits sentiers qui montent et qui descendent, qui remontent et qui redescendent... Natalia n'en étant pas à sa première visite, elle nous guida facilement dans ce dédale vers la maison où réside le témoin chez qui nous dormirons et mangerons au cours des prochains jours. Ce dernier fait partie du comité de victimes accompagné par Acoguate.

Formé en 2000, ce comité fut constitué afin que justice soit faite dans une histoire de disparition forcée qui remonte aux années 70. En effet, une vieille dispute entre un ''comisionado militar'' et certains membres de la communauté aurait mené, en 1981, à ce que plusieurs d'entre eux soient accusés de faire partie de la guérilla guatémaltèque. Directement au coeur des mesures contre-insurgentes de la période que l'on nomme à juste titre ''guerre sale'', il n'en fallu pas plus pour que, sous les ordres d'un colonel de la région, les huit présumés disparaissent aux mains de trois ''comisionado militar'' et de leurs hommes. Depuis lors, aucun des disparus ne fut retrouvé, mort ou vivant. C'est ainsi que de nombreuses années plus tard, suivant la formation du comité de victime (la majeure partie étant parents des victimes), une longue bataille juridique débuta. La série de revirements étant trop compliquée pour être détaillée ici, je me limite à ne mentionner que les points les plus importants, en vous invitant, du moins les hispanophones, à jeter un coup d'oeil sur le site d'Acoguate, plus précisément l'entrée du mois de janvier dernier (http://acoguate.blogspot.com/2009_01_01_archive.html). Bref, le Comité en est à un point tournant dans son histoire, puisqu'il y a deux semaines s'est ouverte une nouvelle étape de la saga judiciaire, avec l'ouverture du débat public. S'en prendre à des anciens de l'armée n'étant pas une mince affaire au Guatemala, et particulièrement à un ancien colonel, ce qui est une première au pays, le groupe s'est vu faire face à de nombreux obstacles (intimidations, etc).

La tension était élevée le mardi suivant, date du débat public. La semaine d'avant, il ne put avoir lieu vu l'absence du colonel, qui ne fut pas transféré depuis l'hopital militaire. De ce fait, plusieurs se demandaient si le scénario se répèterait. Finalement, le principal intéressé fit son entrée, traversant la foule, notamment composée des membres du Comité de victimes, qui attendait à l'extérieur de la salle. Le procès débuta par une requête de la partie plaignante, représentée par un organisme étatique de défense des droits humains (Procuradora de Derechos Humanos). Celle-ci proposa d'amplifier l'accusation, qui pour plusieurs raisons se limite au crime de séquestration, afin d'englober ceux de disparition forcée et de torture. Après avoir profité de la pause du dîner pour délibérer, les juges tranchèrent en faveur de la défense, jugeant que cette requête était inapplicable à cette étape de la procédure, c'est-à-dire avant la présentation de la preuve. Plusieurs furent fortement déçus par cette décision (et d'autres plutôt réjouis), qui marqua cette première audience publique. Suite à cela et après avoir salué les membres du Comité, Natalia et moi sommes revenus à la capitale, assez ébranlés. D'autant plus que dans le cas de ma partenaire, ce fut sa dernière visite avant de sortir du pays, après neuf mois d'accompagnement dans la communauté.

Au long de ces trois journées d'accompagnement, à plusieurs reprises il vint des moments où je ne savais plus trop où donner de la tête afin d'être le moindrement utile, particulièrement en ce qui à trait au cirque juridique qu'a été l'audience du mardi. Vu l'ampleur du précédent causé par cette affaire, une quantité importante d'organisations et de groupes luttant pour les droits humain étaient présents. Je ne peux m'empêcher d'être un peu découragé par l'ampleur que prend toute l'affaire. Évidemment, je suis extrêmement content pour les victimes qu'autant d'appui leur vienne de l'extérieur de la communauté. Cependant, il me semble un peu aberrant qu'après des décennies cette histoire ne soit pas encore réglée, aussi évidente la solution semble-t-elle être. De ce fait, j'admire énormément le courage, et surtout la patience, des membres du Comité de victimes.

Guillaume

1 commentaire:

  1. Claro, à quand le moment où on arrêtera de lire des histoires d'horreur émanant du Guatemala...

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